Père Charles Mallard-Le temps de la fidélité
Le temps de la fidélité
7° dimanche de Pâques – Année B
Ac 1, 15-26 ; Ps 102 ; 1 Jn 4,11-16 ; Jn 17,11b-19
Entre l’Ascension et la Pentecôte, nous voici, à l’image des apôtres, dans un temps intermédiaire, entre la présence de Jésus et le souffle du Don de Dieu. C’est en quelque sorte le temps où il faut apprivoiser l’absence, c’est le moment il faut s’enraciner dans la fidélité.
Il y a un premier type de fidélité : la fidélité à ce que l’on a reçu. C’est la fidélité du témoin, de celui qui doit garder ce qu’on lui a confié. La première lecture illustrait cette fidélité dans l’épisode du remplacement de Judas. Reconnaissant le choix qu’avait fait Jésus, reconnaissant la défection de celui qui est allé se pendre, Pierre propose que l’on complète le groupe de ceux qui témoigneront de la résurrection. Pour cela, il s’appuie sur le livre des Psaumes, sur la Parole de Dieu, pour faire ce qu’il convient : « qu’un autre prenne sa charge ». Cette première manière d’être fidèle consiste donc à garder ce qui vient de Dieu. Garder ce que le Seigneur a dit, garder ce que le Seigneur a fait. Non pas garder en laissant dans un coin, comme on garde ce qu’on n’ose pas jeter ; mais garder en prenant soin, en faisant attention, comme on garde une chose précieuse, ou comme le pasteur garde son troupeau. Cela fait partie de notre vocation : garder ce que nous avons reçu du Seigneur, dans la fidélité. Nous n’avons pas à inventer, nous n’avons pas à modifier, mais à transmettre ce que nous avons reçu, fidèlement, comme d’autres avant nous ont transmis ce qu’ils avaient reçu. Évidemment, si nous voulons transmettre, il faut connaître ! Parce que l’Évangile n’est pas un coffre mystérieux, ni enveloppe fermée, nous ne sommes pas étrangers à la Parole de Dieu, et si nous devons lui être fidèles, c’est parce que nous sommes concernés.
Le deuxième type de fidélité, c’est la fidélité à ce que l’on donne. C’est la fidélité de celui qui aime et de celui qui s’engage. C’est à cette fidélité que nous exhorte saint Jean dans la deuxième lecture quand il parle de l’amour. Il s’agit ainsi de demeurer en Dieu. La vie chrétienne n’est pas une lubie qu’on adopte au gré des circonstances, mais une aventure qui n’aurait pas de sens si on l’abandonnait en cours de route. Dieu s’est engagé avec nous et pour nous, notre fidélité est une manière de répondre à cet engagement divin. Bien sûr ce n’est pas toujours facile ; bien sûr il y a des difficultés, des moments où l’enthousiasme faiblit, où l’usure fatigue. Mais les épreuves ne sont pas des raisons de renoncer : ce sont des invitations à renouveler notre engagement. Le doute n’est pas l’échec de la foi, mais l’appel à une foi plus grande. C’est parce que nous sommes libres d’aimer et de croire, qu’il faut persévérer dans l’amour et dans la foi : si c’était automatique, nous n’aurions rien à faire ! La fidélité est ce qui nous fait grandir.
Et l’évangile lui-même témoigne de cette dynamique. S’il n’y avait rien à faire, Jésus aurait-il demandé à son Père de garder ses disciples ? La prière du Seigneur nous rappelle que nous ne sommes pas seuls. En vérité, notre fidélité s’appuie sur la fidélité de Dieu. Il serait illusoire de croire que nous pouvons rester fidèles en nous isolant. Ce serait confondre la fidélité et l’opiniâtreté. Ce serait aussi s’enfermer dans le passé. Mais la fidélité n’est pas nostalgie du passé, elle est pertinence du présent et disponibilité à l’avenir. La fidélité est la trace de l’éternité dans notre vie. C’est parce que Dieu est toujours présent que nous pouvons être fidèles. C’est parce que Dieu est toujours devant nous que nous devons être fidèles.
Traditionnellement, les chrétiens ne sont pas appelés les croyants mais les fidèles du Christ. Vivons donc ce temps entre l’Ascension et le Pentecôte comme le temps de la fidélité. Fidélité à la parole de Dieu, fidélité à notre baptême, fidélité comme miroir de la fidélité du Seigneur.
Que la Vierge Marie, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle nous apprenne à garder la Parole de Dieu. Secours des Chrétiens qu’elle nous soutienne dans la fidélité au nom du Seigneur. Porte du Ciel qu’elle garde nos cœurs attentifs à battre au rythme du cœur de Dieu pour que nous puissions demeurer en lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.