Père Charles Mallard-Notre avenir, c’est l’éternité
Notre avenir, c’est l’éternité
11° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
Ez 17,22-24 ; Ps 91 ; 2 Co 5,6-10 ; Mc 4,26-28
On se doute bien que l’intérêt de la parole de Dieu que nous venons d’entendre n’est pas de nous initier au jardinage, même si Ézéchiel parle de bouturage, et Jésus de semence et de plantation ! Les paraboles agricoles ont d’abord comme objectif de nous inviter à regarder un peu plus loin qu’un présent décevant. C’est aussi le mouvement auquel nous invitait saint Paul dans la deuxième lecture : tourner nos regards et surtout nos cœurs vers l’avenir. Sans doute est-ce un message valable pour tous les temps, l’homme étant toujours tenté de vivre tourné vers le passé ou fixé sur le présent ou le futur proche, mais dans un monde marqué par l’émotion et l’instantanéité, il nous faut prendre la mesure des efforts à faire pour vivre tournés vers l’avenir, et surtout vers un avenir en Dieu.
D’abord il nous faut apprendre à passer du désir à l’espoir. Parce que le désir ne suffit pas à nous sortir du présent. Il s’émousse avec le temps qui passe tandis que l’espoir grandit. Aussi la parole nous invite à regarder plus loin. L’image de la jeune tige qui devient un cèdre magnifique, celle de la graine de moutarde qui dépasse toutes les plantes potagères nous permettent de comprendre l’importance de regarder au rythme du Seigneur. Dans la Parole de Dieu, nous savons trouver des conseils et des témoignages, mais c’est d’abord une promesse qui nous est faite. Je sais bien que nous avons quelques réticences à accueillir des promesses, tant les promesses humaines peuvent être décevantes. Mais la Parole de Dieu est la promesse de Dieu, pas une promesse électorale ! Elle nous ouvre un futur qui n’est pas une illusion mais un engagement. On dit parfois, avec une certaine condescendance, que l’espoir fait vivre, pourtant c’est bien l’espoir qui s’appuie sur la parole de Dieu qui doit être le moteur de notre vie. S’attacher au présent, préférer « un tiens que deux tu l’auras », c’est s’interdire l’espoir et donc se condamner au désespoir. La première conversion à laquelle nous sommes invités c’est de garder les yeux fixés sur le Royaume de Dieu qui reste à venir et vers lequel nous cheminons dans la foi.
Cela signifie qu’il nous faut passer aussi de la maîtrise à la confiance. Nous ne cheminons pas dans la claire vision, disait saint Paul, et dans la parabole du semeur, Jésus rappelle que la semence germe et grandit, on ne sait comment. Se fixer sur l’avenir, c’est accepter que nous n’en soyons pas le maître, mais faire confiance à Dieu pour le conduire, comme il faut, plutôt que comme nous voudrions. On est bien souvent comme cet homme qui trouvait que les carottes ne poussaient pas assez vite et qui tirait dessus pour les faire grandir. Dans la prière, faire confiance au Seigneur, ce n’est pas lui donner un cahier des charges ou une feuille de route, c’est se remettre entre ses mains, c’est se laisser entrainer par des chemins que nous n’aurions pas choisis, c’est accepter que nos projets soient bouleversés. La foi n’est pas une idée, mais une confiance concrète qui sait que Dieu fait tout contribuer au bien de ceux qui l’aiment. Notre ambition, disait encore saint Paul, c’est de plaire au Seigneur. Mais ce n’est pas nous qui décidons ce qui plait à Dieu ! C’est la deuxième conversion à laquelle nous sommes invités : faire confiance au Seigneur pour nous conduire jusqu’au cœur de son cœur.
Enfin, il y a un troisième renversement lorsqu’on vit à l’horizon du Royaume. Il faut renoncer à attendre du futur qu’il soit conforme au présent, pour ajuster le présent au futur. Celui qui plante un arbre trop près de sa maison, va se trouver bien embarrassé lorsque l’arbre aura grandi. Vivre tourné vers l’avenir, ce n’est pas se projeter, c’est anticiper. C’est le futur qui commande et non le présent. Quand saint Paul parle du tribunal du Christ, ce n’est pas pour nous faire peur, mais pour que nous réalisions à quel point ce que nous serons dépend de ce que nous sommes. Celui qui veut moissonner du blé ne va pas semer de l’orge. C’est maintenant que nous préparons la vie éternelle. Si nous voulons demeurer près du Seigneur, c’est dès maintenant que nous devons chercher à nous en rapprocher. On n’attend pas le Royaume en restant sans rien faire, mais en le préparant ; à notre rythme sans doute, selon ce que nous pouvons certainement, mais toujours en fonction de ce que nous espérons.
La parole de Dieu nous rappelle aujourd’hui que notre avenir, c’est l’éternité. Nous sommes invités à passer du désir à l’espoir, de la maîtrise à la confiance, de la projection à l’anticipation.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du Ciel qu’elle tourne nos yeux vers ce que le Seigneur nous promet. Etoile du matin qu’elle guide nos cœurs dans la confiance en Dieu. Trône de la Sagesse qu’elle transforme nos vies pour que nous puissions déjà demeurer en Lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.