Père Charles Mallard-Ça ne s’invente pas !
Ça ne s’invente pas !
La Sainte Trinité – Année B
Dt 4,32-34. 39-40 ; Ps 32 (33) ; Rm 8,14-17 ; Mt 28,16-20
Je ne suis pas sûr qu’on puisse qualifier une célébration liturgique d’exercice spirituel. Mais il n’en reste pas moins que la fête d’aujourd’hui et la Parole de Dieu que nous venons d’entendre nous invitent à une démarche spirituelle semblable à celle que Moise proposait au peuple dans la première lecture. Quelle est cette démarche ? Se souvenir des actions du Seigneur, contempler ce qu’elles révèlent de Dieu pour ne pas s’habituer à l’inouï de ce qui nous est proposé.
À l’époque de Moise, les hommes ont tous plus ou moins conscience de l’existence de dieu … un ou plusieurs, ça se discute encore. Mais tout le monde sait que le cosmos ne vient pas de nulle part, ni de lui-même. Tous pressentent le mystère de l’invisible et de la transcendance. Sauf, que chacun essaie de l’imaginer, et que chaque peuple, chaque culture a son dieu, sa manière d’en parler et de le concevoir. Que fait Moïse ? Il rappelle ce qu’il y a d’inouï dans la foi juive : personne n’a osé penser que Dieu s’intéressait à une nation particulière au point de lui venir en aide, d’agir spécialement pour ce peuple. Que les hommes combattent pour leurs dieux, c’est commun, mais qu’un dieu s’engage pour son peuple… C’est inimaginable ! C’est tellement extraordinaire que ça ne peut pas s’inventer. Moïse rappelle au peuple la chance incroyable qu’il a eu que Dieu révèle sa toute-puissance par son amour. Il ne faut pas penser que notre dieu est un dieu parmi d’autres, mais réaliser que nous avons eu la grâce d’être choisis pour le connaitre. En fait ce n’est pas notre Dieu, c’est plutôt nous qui sommes son peuple !
Et pour nous aujourd’hui la fête de la Trinité est l’occasion de faire un peu la même démarche. Nous sommes trop souvent habitués à parler du Père, du Fils et du Saint Esprit comme si ça allait de soi. Qui d’entre nous a fait attention à la mention de la Trinité dans les paroles de Jésus à l’évangile ? Pourtant ça n’est pas banal ! Depuis le début, le chrétien est baptisé au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Les exégètes sceptiques peuvent bien raconter ce qu’ils veulent, l’évangile que nous venons d’entendre est le signe que depuis toujours les chrétiens sont baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Personne n’a jamais imaginé une chose pareille. On trouve bien des triades dans les mythologies anciennes, mais aucun culte qui soit unique aux trois : aucun de ces trios de dieux ne reçoit même adoration et même gloire. Le mystère de la Trinité est inimaginable, tellement extraordinaire que ça ne peut pas s’inventer ! C’est le Christ qui nous le révèle, et comme c’est un mystère au centre de notre foi, on a tendance à s’y habituer, sans réaliser l’inouï de ce qui est révélé.
Et il y a mieux encore ! C’est ce que dit saint Paul dans la deuxième lecture. L’Esprit Saint nous fait entrer dans la vie divine. Il atteste que nous sommes enfants de Dieu et que nous pouvons vivre avec le Père ce que Jésus vivait avec le Père. Au temps de Moïse l’amour de Dieu pour le peuple révélait Sa grandeur ; depuis Jésus nous savons que le mystère de Dieu passe par nous … à condition que nous le voulions bien. La Trinité n’est pas une coquetterie d’intellectuels ou de mystiques, elle est le visage que Dieu nous montre pour que nous l’embrassions. Elle est le dévoilement que Dieu consent pour que nous puissions être avec lui. Elle est notre famille, notre destin … Elle est tellement plus que tout ce qu’on peut dire, que je ferai mieux de me taire, parce que les mots sont incapables de décrire le mystère de Dieu.
Et plutôt qu’un long discours, il vaut mieux se laisser conduire par l’Esprit et par la liturgie pour vivre ce mystère. Il nous faut prendre le temps de nous arrêter pour ne pas nous habituer au mystère de Dieu mais réaliser l’inouï de ce qui nous est donné à contempler. Il nous faut faire silence pour que retentisse la parole qui nous dévoile le cœur du cœur de Dieu. Il nous faut laisser l’Esprit Saint nous façonner dans la prière en nous configurant au Christ pour aimer le Père.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à accueillir le mystère de Dieu. Elle qui est la fille de Sion, qu’elle nous apprenne à reconnaître l’Amour du Père. Elle qui est la mère du Christ, qu’elle nous montre comment cheminer à la suite du Fils. Elle qui est le Temple de l’Esprit qu’elle nous soutienne dans la fidélité à celui que nous avons reçu pour que nous puissions participer à la gloire de Dieu, dès maintenant et pour les siècles des siècles.