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Père Charles Mallard-Comment être ce que nous sommes

5 février 2023

Comment être ce que nous sommes

5° Dimanche du Temps Ordinaire – Année A

Is 58,7-10 ; Ps 111 (112) ; 1 Co 2,1-5 ; Mt 5,13-16

« Vous êtes le sel de la terre […] vous êtes la lumière du monde ». Ces paroles de Jésus sont à la fois encourageantes, exigeantes et mystérieuses. Encourageantes parce qu’elles sont positives et valorisantes, on comprend bien qu’il s’agit de compliments et non de reproches ! Exigeantes parce qu’elles indiquent une mission dont les enjeux sont ensuite soulignés par le Seigneur. Mystérieuses puisqu’elles sont imagées, et que les images peuvent parfois signifier des choses très différentes. Ainsi qu’y a-t-il de commun entre le sel et la lumière ? L’un est particulier, l’autre général ; l’un est palpable, l’autre ne l’est pas ; l’un agit en s’effaçant, l’autre agit en se déployant … Cela dit, le sel comme la lumière servent à révéler : le sel révèle la saveur de la nourriture, c’est-à-dire sa qualité, tandis que la lumière révèle la vérité de ce qu’elle éclaire.

Comme il s’agit de décrire la mission des disciples du Seigneur, on peut tenter de rapprocher ces deux paroles des deux grands commandements, ou des deux tables de la Loi : l’amour de Dieu et l’amour du prochain.

Le sel a quelque chose à voir avec l’amour de Dieu. Déjà dans l’ancienne alliance, tout sacrifice devait être salé avant d’être offert. La menace qui vise le sel devenu fade, ressemble à celles qu’on trouve dans les paraboles du royaume : « jeté dehors » là où il y a des pleurs et des grincements de dents ce qui peut être la réaction de celui qui est piétiné par les gens. Ainsi être le sel de la terre, ça pourrait signifier révéler la qualité des choses en les imprégnant de l’amour de Dieu. Les paroles de saint Paul dans la lettre aux Corinthiens ne manquent d’ailleurs pas de piquant : « je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage ou de la sagesse ». Comme une manière de rappeler la vanité d’une approche purement terrestre de la vie ; l’humain ne suffit pas et s’affadit s’il n’est pas ouvert à la présence de Dieu.

La lumière peut être rapprochée de l’amour du prochain. Le texte d’Isaïe dans la première lecture évoquait la lumière jaillissant comme l’aurore si l’on partage le pain avec celui qui a faim, accueille les pauvres sans abri, couvre celui qui est sans vêtements … autant d’action que l’on retrouvera dans les sentences du jugement dernier « ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens », et que l’église a retenu comme œuvres de miséricorde, c’est-à-dire comme expressions de l’amour du prochain. Cet amour qui ne peut être mesuré, en le mettant dans un boisseau, mais qui a vocation à rayonner, non pas pour susciter l’admiration mais pour rendre gloire à Dieu. L’amour du prochain est la lumière du monde, en ce qu’il révèle la vérité de ce que nous sommes. Car nous ne sommes pas faits pour l’égoïsme mais pour le partage, nous ne sommes pas faits pour l’indifférence mais pour la solidarité, nous ne sommes pas faits pour le mépris mais pour la compassion.

Ainsi nous comprenons la complémentarité des deux images de l’évangile d’aujourd’hui. Car nous savons que l’amour de Dieu n’est qu’illusion s’il ne se manifeste pas dans l’amour des autres, et que l’amour des autres s’épuise s’il ne s’enracine pas dans l’amour de Dieu. Mais nous pouvons faire une dernière remarque sur ce texte. Jésus ne dit pas « soyez sel de la terre », il ne dit pas non plus « soyez la lumière du monde ». Il dit « vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ». Il ne s’agit donc pas d’une option, ni même d’un projet, mais d’un état et d’une identité. Non pas pour nous glorifier mais pour nous exhorter à y être fidèles. Si le sel devient fade, si la lumière se cache, c’est la terre qui perd sa saveur et le monde qui s’obscurcit. Nous n’avons pas tant à nous préoccuper de ce que nous faisons, mais de ce que nous sommes en restant solidement attachés au Seigneur, en déployant pleinement le don de Dieu.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du Ciel, qu’elle nous garde dans la présence du Seigneur ; Etoile du matin qu’elle nous conduise dans le souffle de l’Esprit-Saint ; Mère de l’Église qu’elle nous entraine dans la fidélité à l’Évangile pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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