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Père Charles Mallard-Le chemin de la vie chrétienne

29 janvier 2023

Le chemin de la vie chrétienne

4° Dimanche du Temps Ordinaire – Année A

So 2,3. 3,12-13 ; Ps 145 ; 1 Co 1,26-31 ; Mt 5,1-12

Pendant le temps ordinaire, on lit de manière à peu près continue, un évangile – en l’occurrence cette année celui de Matthieu. Et voici qu’aujourd’hui, le hasard ou la providence, nous propose de relire le texte des Béatitudes, un texte qui est lu chaque année pour la Toussaint. Sans doute pouvons-nous y voir le rappel discret qu’il ne s’agit pas seulement de dessiner le portrait de la sainteté, mais que Jésus trace pour nous un chemin pour la vie ordinaire. C’est dans cet esprit que saint Augustin, lorsqu’il commente les Béatitudes, les rapproche du Notre Père. Chaque demande de la prière du Seigneur nous dispose à vivre une béatitude.

Tout commence par la première demande « Que ton nom soit sanctifié ». C’est-à-dire qu’il soit respecté et honoré. Qui parlera de Dieu n’importe comment ? Le superbe au cœur orgueilleux, celui qui se croit supérieur. Au contraire, pour sanctifier le nom du Seigneur, il faut être humble, pauvre de cœur. Heureux les pauvres de cœur, parce qu’ils se confient à Dieu, le Royaume des cieux est à eux. Dans la vie spirituelle, tout commence par le respect de Dieu qui suppose humilité et pauvreté de cœur.

Ensuite, il y a une petite différence entre la version de saint Augustin et notre traduction liturgique. C’est que selon les manuscrits les plus anciens, on trouve parfois les deux béatitudes des doux et des affligés dans un ordre différent … peut-être un clin d’œil de l’Esprit-Saint pour que nous ne soyons pas trop catégoriques dans l’interprétation de la Parole ! Donc, rapprochons la demande « que ton règne vienne » de la béatitude des doux. La tendresse de Dieu se manifeste dans ce qu’un auteur a appelé la divine douceur. Choisir la douceur, c’est entrer dans la manière d’être du Seigneur. « Heureux les doux, car ils participent à la venue du Règne, un règne qui est l’avenir de la terre.

Il y a un certain risque à rapprocher la demande « que ta volonté soit faite » de la béatitude des larmes. Il ne s’agit pas de croire que Dieu voudrait que nous pleurions, bien au contraire, il veut nous consoler. Le Consolateur est même le nom du Saint-Esprit. Les larmes sont le signe que la volonté de Dieu n’est pas faite, car Dieu ne veut que du bien pour nous. Les deux béatitudes des doux et des affligés nous invitent à progresser dans le désir de Dieu, l’une en modelant notre manière d’être, l’autre en l’inscrivant au plus profond de nous. Car le désir de Dieu est la deuxième marche de la vie spirituelle.

La demande « donne nous aujourd’hui notre pain de ce jour » et la béatitude des « affamés et assoiffés de justice » utilisent le même registre de la nourriture. La première justice n’est-elle pas que l’homme, tout homme puisse manger ? Ainsi la vie spirituelle ne se déploie pas dans les hauteurs abstraites d’une mystique intellectuelle, elle nous prend au plus concret de l’existence pour nous faire expérimenter que Dieu s’intéresse aussi à l’ordinaire de notre vie.

Naturellement la demande du pardon et la béatitude des miséricordieux partagent la même logique : la mesure que nous utilisons pour les autres est la mesure dont Dieu se servira pour nous. A travers les béatitudes de la justice et de la miséricorde, nous sommes invités à gravir la troisième marche de la vie spirituelle, celle de l’engagement, pour partager le cœur de Dieu.

Qu’y a-t-il de commun entre la demande de la tentation (c’est-à-dire d’éviter la tentation) et celle des cœurs purs ? L’image de la vision peut nous en faire comprendre le lien. Le cœur pur, c’est celui qui adopte le regard de Dieu. Il ne regarde pas le mal qu’on pourrait faire (ce qui est la définition de la tentation), mais le bien qui est promis. Il s’agit d’éviter le vertige en se détournant de l’abîme pour contempler le sommet.

Enfin rapprocher la demande « délivre nous du mal » et la béatitude des artisans de paix, révèle que la paix n’est pas un compromis mais une libération. Elle est le signe que le mal a été vaincu et que la présence du Seigneur peut se déployer dans nos vies. Les deux béatitudes des cœurs purs et des artisans de paix ont toutes les deux des promesses qui se réfèrent à Dieu. Elles nous font donc entrer dans la dernière marche de la vie spirituelle : l’espérance qui n’est pas une attente passive, mais l’horizon de notre implication active.

La fin de l’évangile des Béatitudes, en évoquant les persécutions et les oppositions du monde a une tonalité moins sereine. Non pas pour nous faire peur ou pour le plaisir du paradoxe, mais pour nous avertir de l’exigence de ce chemin qui nous est proposé, et que Jésus lui-même a parcouru le premier. L’humilité, le désir de Dieu, l’engagement et l’espérance ne sont pas un programme de sagesse humaine à mettre en œuvre par nos propres forces, mais comme le montrait saint Paul aux Corinthiens, une aventure proprement divine où nous sommes guidés et soutenus par la grâce du Christ.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à parcourir le chemin des Béatitudes. Humble Servante du Seigneur, Consolatrice des Affligés, Mère de Miséricorde et Reine de la Paix, qu’elle nous accompagne dans l’aventure de la sainteté où elle nous précède, pour que nous puissions accueillir le bonheur qui nous est promis et demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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