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Père Charles Mallard-L’Ascension nous prend à contrepied

18 mai 2023

L’Ascension nous prend à contrepied

Ascension du Seigneur – Année A

Ac 1,1-11 ; Ps 46 ; Ep 1,17-23 ; Mt 28,16-20

Quarante jours après Pâques nous célébrons l’Ascension du Seigneur. Comme nous avons eu quarante jours pour nous préparer au grand mystère, nous avons eu quarante jours pour le méditer. Quarante jours pour creuser en nous le désir de Dieu et quarante jours pour goûter sa présence. Et voilà qu’une page se tourne, qu’un nouveau temps commence. Mais il y a un aspect un peu paradoxal dans cette fête : comme les disciples d’Emmaüs, c’est au moment où ils reconnaissent le Seigneur qu’il disparaît à leurs regards. On dirait que le mystère de Dieu se donne en se dérobant. Il y a, dans l’Ascension, quelque chose qui prend la logique humaine à contrepied pour nous permettre de pressentir la logique divine.

Dans l’Évangile, Jésus dit aux disciples : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre » et il rajoute alors « de toutes les nations faites des disciples ». Mais s’il a tout pouvoir, pourquoi ne fait-il pas lui-même des disciples ? Ce serait plus simple et plus efficace ! Pourquoi la puissance de Dieu se manifeste-t-elle par son absence ? C’est qu’il s’agit d’une puissance qui se partage et non pas d’une puissance qui s’impose. Une puissance avec nous et non pas une puissance malgré nous ou sans nous. L’Ascension prend à contrepied notre idée de toute puissance pour nous faire découvrir, par le témoignage l’importance que nous avons dans le cœur de Dieu qui compte sur nous pour transmettre ce que nous avons reçu, pour partager la puissance incomparable qu’il déploie pour nous les croyants – comme disait saint Paul dans la deuxième lecture.

Dans le récit des Actes des Apôtres, au cours du tout dernier repas que Jésus prend avec les disciples, pour que s’accomplisse la promesse du Père, « il leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem » Donc la mission jusqu’aux extrémités de la terre commence en ne quittant pas Jérusalem ? Parce que l’Esprit Saint qu’ils doivent recevoir ne peut pas les retrouver s’ils sont déjà en route vers les nations ? Le don de Dieu serait-il limité à un lieu particulier ? Ça fait peut-être l’affaire des agences de pèlerinage, mais pas celle de ceux qui n’ont pas les moyens du voyage ! Bien sûr, on peut comprendre qu’il s’agit d’une manière pour le Seigneur de nous inviter à l’attente qui permet de manifester la disponibilité. Trop souvent nous imaginons l’Esprit Saint comme quelque chose de magique, presque mécanique, instantané et inconditionnel. Mais là encore le don de Dieu ne se fait pas malgré nous ni sans nous : le Seigneur attend que nous soyons disponibles à le recevoir pour nous le donner. Le temps qui sépare l’Ascension de la Pentecôte prend à contrepied notre idée de l’action divine pour nous faire découvrir, par la patience, l’importance d’une relation qui soit de l’ordre de l’alliance et qui demande de notre part une disponibilité de cœur pour accueillir ce que Dieu veut nous donner.

Enfin, après le départ de Jésus, les hommes en vêtement blanc qui se tiennent devant les apôtres leur reprochent de rester à regarder vers le ciel. On comprend le sens du message, mais ce qui est curieux c’est la raison qu’ils donnent : « il viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel ». Si Jésus doit revenir depuis le ciel, n’est-ce pas au contraire normal de l’attendre en regardant dans la direction d’où il arrivera ? C’est vrai que, vu le temps qu’il met à revenir, les disciples vont attraper un torticolis ! Mais quand même, si nous attendons sa venue, ne faut-il pas la veiller ? En fait, nous comprenons bien que ce n’est pas la bonne manière d’attendre. On n’attend pas la venue du Seigneur en regardant dans une direction, fût-ce l’Orient, même liturgique, on attend la venue du Seigneur en gardant fidèlement sa parole, en étant attentif à sa présence, lui qui a affirmé qu’il était « avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Ce n’est pas en se tournant vers un ailleurs vide que nous attendons le Seigneur, mais en étant présents à sa présence invisible, c’est par notre fidélité attentive et persévérante que nous attendons le retour du Seigneur. Là encore, l’Ascension prend à contrepied notre idée de l’attente de Dieu pour que nous découvrions, par la fidélité, l’importance de ce que nous vivons et de la manière dont nous vivons.

Ainsi l’Ascension n’est pas un point final, mais un commencement. S’il peut nous paraître paradoxal que la plénitude de la Gloire du Christ se manifeste par le témoignage des hommes, que la mission universelle commence par un temps de recueillement à Jérusalem, et que l’attente de la venue du Seigneur implique de ne pas regarder fixement le ciel, c’est que Dieu nous révèle l’importance du partage, de la disponibilité et de la fidélité qui nous disposent à déployer ce que nous avons contemplé pour que nous puissions participer à l’accomplissement total du Christ.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Miroir de la Sainteté de Dieu qu’elle fortifie notre foi, pour que nous puissions témoigner de ce que nous avons reçu. Temple de l’Esprit Saint qu’elle éduque notre espérance, pour que nous puissions être disponible au Don de Dieu. Mère du Bel Amour qu’elle encourage notre charité, pour que nous restions fidèles à l’enseignement du Seigneur et que rayonne en nous la lumière de Pâques : le Christ est ressuscité ! Alléluia ! Il est vraiment ressuscité ! Alléluia !

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