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Père Charles Mallard-Le pardon révèle le cœur

17 septembre 2023

Le pardon révèle le cœur

24ème dimanche du Temps Ordinaire – Année A

Si 27,30 – 28,7 ; Ps 102 (103) ; Rm 14,7-9 ; Mt 18,21-35

Il y a quelque chose de révoltant dans l’attitude du débiteur impitoyable : on vient de lui remettre soixante millions, et il s’acharne sur cent. Évidemment, le but de Jésus en racontant la parabole étant de nous faire réagir, il force le trait pour susciter l’indignation. Cela dit, les témoins de la scène ne sont pas indignés mais attristés … et cela doit aussi nous aider à comprendre correctement l’enseignement qui nous est proposé aujourd’hui.

Avant même les considérations mathématiques, ce qui choque, c’est l’attitude même de l’homme. Le maître a fait preuve de clémence et de générosité envers lui, l’évangile dit même que le maître a été saisi de compassion, et voilà qu’à peine sorti, il se jette sur son compagnon pour l’étrangler. Comment une telle agressivité peut-elle survenir ? Sans doute connaît-il un bouillonnement émotionnel après sa comparution devant le roi. Mais au lieu d’être soulagé et reconnaissant, le voilà stressé et agressif. Comme s’il n’avait pas compris ce qui venait de lui être accordé et qu’il se pensait toujours redevable d’une dette gigantesque. La miséricorde du maître n’a pas adouci son cœur, parce qu’elle n’est pas été reconnue comme miséricorde. Soit qu’il ne croie pas à la remise de la dette, soit qu’il se sente humilié par la scène qui a révélé sa situation pitoyable … au sens le plus littéral du terme, de ce qui provoque la pitié.

Et nous voilà devant le deuxième problème de cette histoire : la symétrie ignorée. Alors que son compagnon prononce les mêmes paroles que celles qu’il a prononcées devant le roi, il ne veut pas avoir la même attitude que le maître. Il regrette d’avoir fait pitié, alors il ne veut pas avoir pitié. La première lecture mettait bien en valeur les enjeux de cette symétrie entre ce que nous accordons aux autres et ce que nous attendons de Dieu. Comment pourrait-on revendiquer pour nous ce que nous refusons aux autres ? La Parole suggère deux manières de vivre cette symétrie : si nous ne donnons pas aux autres ce que nous recevons de Dieu, au moins accordons aux autres ce que nous espérons de Dieu. Si Dieu n’est pas le modèle qui guide nos relations, réalisons que nos relations seront le modèle de l’attitude de Dieu pour nous. La mesure dont nous nous servons, servira pour nous.

La conclusion que Jésus donne à la parabole, en réponse à la question de Pierre, précise bien où se situe le pardon. Il ne s’agit pas d’un décompte, il ne s’agit pas non plus d’une patience, mais d’une disposition de cœur. Non pas le cœur romantique qu’on dessine pour exprimer une émotion, mais le cœur biblique, ce qui nous constitue profondément et manifeste ce que nous sommes. C’est là que nous devons laisser résonner la parole de saint Paul dans la lettre aux Romains : « aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même, si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur, si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur ». Le pardon n’est pas une indulgence philosophique ni un héroïsme sublime ; il n’est pas non plus le marchandage divin pour nous mériter la clémence éternelle. Le pardon est le mouvement d’un cœur de chair, qui refuse de se laisser durcir par la souffrance et les inquiétudes, mais qui accepte d’être brisé et broyé pour continuer à aimer même quand c’est difficile. Il y a dans le pardon quelque chose de divin, ce qui ne signifie pas qu’il nous soit inaccessible, mais que nous pouvons le partager, en reconnaissant que nous y participons.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Refuge des pécheurs, qu’elle nous apprenne à reconnaître la générosité de Dieu dans le pardon. Mère de miséricorde, qu’elle nous montre comment donner ce que nous avons reçu et recevoir ce que nous pouvons donner. Miroir de la Sainteté de Dieu, qu’elle fasse battre notre cœur au rythme du cœur de Dieu pour que nous puissions demeurer en lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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