Père Charles Mallard-Nativité du Seigneur-Messe de la nuit : Sortir de la salle commune
Sortir de la salle commune
Nativité du Seigneur – Messe de la nuit
Is 9, 1-6 ; Ps 95 (96) ; Tt 2,11-14 ; Lc 2,1-14
Cette année, hélas, la triste actualité vient nous rappeler cruellement que la guerre peut surgir brutalement. Mais les conflits n’ont jamais vraiment cessé même s’ils étaient loin de chez nous, et il semble bien que tout au long des siècles la paix n’ait été qu’une suite de parenthèses dispersées. Un conte oriental prétend qu’un sage aurait résumé l’histoire de l’humanité en une phrase : « les hommes souffrent et font souffrir ». Faut-il considérer la paix des nations comme l’espérance convenue d’une reine de beauté : un rêve inaccessible et un peu naïf ? A vue humaine, sans doute ; mais justement Noël n’est pas une vue humaine : c’est l’ouverture de notre monde à la présence de Dieu, c’est l’appel à désirer et accueillir la gloire de Dieu. Nous passerons à côté du sens de cette nuit, si nous vivons ces jours de manière simplement humaine, si nous ne gardons pas au cœur cette aspiration à la plénitude, sans se résigner dans le cynisme ou l’indifférence. Évidemment, pour cela, il faut accepter de ne pas faire comme tout le monde, il faut quitter les convenances de la salle commune pour rejoindre le Prince de la Paix qui naît dans une mangeoire et reconnaître dans l’enfant de la crèche celui qui nous ouvre à la puissance de Dieu.
Pourtant il ne suffit pas de vivre en regardant le ciel. Il ne faudrait pas que les grands principes nous détournent de l’humble réalité quotidienne. Il est très noble d’aspirer à la paix des nations, mais il est essentiel d’être aussi attentifs à la paix autour de nous. C’est dans nos familles, dans nos quartiers et dans nos relations amicales ou professionnelles que nous sommes mis au défi de vivre la paix des hommes. Et nous devons bien reconnaître, que ce n’est pas toujours facile. Les tempéraments et les caractères, les choix de vie et les événements sont trop souvent l’occasion de disputes et de conflits, parfois pénibles, parfois même dramatiques. D’autant que ce n’est pas parce que nous sommes de bonne volonté que les autres le sont ! Dans la deuxième lecture, Saint Paul rappelait à Tite la première conséquence du salut annoncé aux bergers de Bethléem : « il s’est donné pour nous purifier et faire de nous un peuple ardent à faire le bien ». Si nous fêtons Noël, ça n’est pas pour le plaisir pittoresque d’une naissance antique atypique, c’est parce que nous sommes attachés à celui qui naît ce jour-là, parce que nous avons décidé de cheminer avec lui, d’écouter son évangile et de vivre à sa manière. Si nous voulons que la Gloire de Dieu resplendisse là où nous sommes, il faut que ce jour ouvre à une histoire entre le Christ et nous, pour que nous puissions puiser dans sa présence la force de le suivre. Même quand pour cela, il faudra quitter le confort de la salle commune pour rejoindre le Dieu fort qui naît dans une mangeoire et reconnaître dans l’enfant de la crèche celui qui nous unis au Seigneur.
Mais si la paix des nations n’est rien sans la paix des hommes, la paix des hommes n’est possible que par la paix du cœur. C’est au plus profond de nous que peut jaillir la Gloire de Dieu. C’est aussi au cœur de notre cœur que s’adresse le mystère de Noël. Dans la douceur de la crèche, le signe du nouveau-né tressaille du bruissement de la brise légère qui révèle la miséricorde de Dieu. C’est le pardon de nos péchés qui nous entraîne dans la joie du Salut. Il ne suffit pas de garder les yeux fixés sur le Seigneur, de garder ses paroles et de les mettre en pratique, il faut aussi entrer dans le cœur à cœur de la prière pour goûter la fidélité de Dieu qui révèle son amour. C’est en quittant le bruit de la salle commune que nous rejoindrons le Père à jamais qui nait dans une mangeoire et que nous reconnaîtrons dans l’enfant de la crèche la grâce de Dieu qui se propose à nous.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous accueille auprès de la crèche en cette nuit de Noël. Porte du Ciel qu’elle creuse en nous le désir de la Gloire de Dieu. Trône de la Sagesse qu’elle nous rende disponibles à la Bonne Nouvelle annoncée par les anges et proclamée par le Christ. Mère du Bel amour qu’elle nous entraine dans le mystère de Salut, pour que nous soyons des artisans de paix et que nous demeurions en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.