Père Charles Mallard-De curieux à disciples
De curieux à disciples
2* Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
1 S 3,3b-10.19 ; Ps 39 ; 1 Co 6,13b-15a.17-20 ; Jn 1,35-42
Après les festivités autour de la naissance du Seigneur, nous voilà invité à reconnaître la présence de Dieu dans l’ordinaire de notre vie. Et l’évangile qui nous introduit à ce temps est celui qui rappelle le commencement de la vie publique de Jésus, quand les premiers disciples le rejoignent. Dans un premier temps, André et un autre disciple suivent Jésus. Évidemment celui-ci s’en aperçoit, et s’inquiète : « que cherchez-vous ? » après un bref dialogue le Seigneur les invite. L’évangile décrit ainsi le moment où ils passent du statut de curieux à celui de disciples : « ils allèrent, ils virent où Jésus demeurait, et ils restèrent auprès de lui ». Reprenons ces trois moments qui sont comme une description de la vie chrétienne.
« Ils allèrent ». Tout commence par un mouvement, un déplacement. C’est le signe que tout commence par une conversion, un changement. On sait que déjà, ils suivaient le Seigneur, mais le principe du mouvement c’est qu’il se déploie dans le temps. Trop souvent, on pense que la conversion est seulement un moment, alors que c’est un mouvement. Dit autrement, on ne se convertit pas une fois pour toutes, mais c’est plutôt chaque jour que l’on se convertit. Souvenons-nous des paroles de saint Paul aux Corinthiens. Ne s’adressait-il pas à des chrétiens ? N’avaient-ils pas déjà choisi le Christ ? Et pourtant il les exhorte à changer des choses dans leur vie, et ce ne sont pas des ajustements de détails. La conversion à laquelle nous sommes invités dans l’ordinaire de notre vie, consiste à vérifier que nous sommes à la suite du Christ, et non pas que nous prétendons que le Christ nous suive. Par exemple, lorsqu’on demande une bénédiction, est-ce pour que Dieu nous conforte dans notre situation ou pour qu’il nous guide jusqu’à lui ? La vie chrétienne est un mouvement, et cela implique que nous cherchions à nous convertir toujours plus et toujours mieux.
Ensuite « ils virent où il demeurait ». Voilà une précision étonnante. Plus tard, Jésus ne dira-t-il pas : « les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids, mais le fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête » ? Qu’ont donc vu André et l’autre disciple ? Il y a quelque chose de mystérieux dans cette phrase : « ils virent où il demeurait ». Parce que le deuxième moment, après la conversion, est la contemplation. Se rendre disponible au déploiement du mystère. Pour le jeune Samuel dans le Temple il s’agissait aussi de se rendre disponible au mystère : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ». La vie chrétienne ne peut pas en rester à une simple curiosité, ni même à un effort de conformité moral. Il faut accepter cette présence à la présence dans la prière qui se fait écoute de la Parole et contemplation.
Enfin « ils restèrent auprès de lui ce jour-là » … mais nous savons qu’ils restèrent auprès de Jésus les autres jours aussi. C’est un troisième temps : celui de l’engagement et de la fidélité. Dans un monde où tout va très vite, ce n’est pas toujours l’aspect auquel nous sommes le plus sensibles, et pourtant cela fait aussi partie de l’appel du Seigneur. La foi n’est pas une rencontre d’un jour, mais l’aventure d’une vie. La fidélité, l’engagement demandent de la persévérance, et la persévérance nous façonne petit à petit selon le cœur de Dieu. Car il ne s’agit pas de ne plus bouger, mais de revenir constamment, malgré les difficultés et malgré les lassitudes. La persévérance est une forme de purification par laquelle l’amour dépasse l’émotion, la foi dépasse l’opinion et l’espérance dépasse l’optimisme.
Ils allèrent, ils virent, ils restèrent … en trois verbes, l’évangile nous trace le programme de la vie à la suite du Christ : se convertir, contempler et s’engager.
Que la Vierge Marie nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Refuge des pécheurs, qu’elle nous apprenne à nous détacher de ce qui éloigne de Dieu ; Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle nous rende présents à la Présence ; Consolatrice des affligés qu’elle nous fortifie dans nos engagements, pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.