Père Charles Mallard-Le jugement de la lumière
Le jugement de la lumière
4° dimanche de Carême – Année B
2 Ch 36,14-16.19-23 ; Ps 136 ; Ep 2,4-10 ; Jn 3,14-21
Il y a des textes bibliques et des phrases évangéliques qu’on a tendance à lire un peu trop vite. Du coup, on risque de comprendre les choses de travers ! Par exemple, l’évangile de ce jour. « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé ». Belle phrase, n’est-ce pas ? Magnifique enseignement que l’on aime à méditer, entendre et réentendre. Et l’on en déduit que Dieu est tout amour – ce qui est vrai ; qu’il peut tout accepter et tout supporter – ce qui est déjà moins vrai ; qu’il n’y a donc pas de jugement – ce qui est faux !
La suite du texte est d’ailleurs explicite. « Le jugement le voici ». C’est donc qu’il y a un jugement ! Certes on n’aime pas ce terme, certes on n’aime pas en entendre parler, certes les prédicateurs qui y font allusion sont suspects d’être intolérants ! Il nous paraît contradictoire que Dieu soit riche en miséricorde, comme le dit saint Paul, et qu’il y ait un jugement. Pourtant j’ai eu beau tourner et retourner le texte dans tous les sens … Jésus parle bien d’un jugement.
Mais ce n’est pas Dieu qui juge. L’image que donne l’évangile permet de comprendre ce qui se passe. « La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière ». La lumière se propose mais elle ne peut rien faire face à celui qui la refuse ? Dans la première lecture, le livre des Chroniques illustrait une situation un peu semblable. Au temps du roi Sédécias on assiste à une véritable tragédie. Tous multiplient les infidélités, imitant les sacrilèges des nations, profanant le Temple du Seigneur. Que fait Dieu alors ? « Sans attendre et sans se lasser, il envoie des messagers car il a pitié de sa Demeure et de son peuple ». Pourtant le peuple reste sourd : « il méprise ses paroles, il se moque des prophètes ». D’une certaine manière, Dieu est impuissant face au péché, il ne peut rien face à celui qui le refuse. Mais ça n’est pas parce que Dieu ne peut rien, que le péché n’a pas de conséquence ! C’est ce que montre la suite de l’histoire : le temple est brûlé, la muraille abattue et les palais détruits. Était-ce la volonté de Dieu ? Non plus puisque soixante-dix ans plus tard, il inspire au roi des Perses de permettre la fin de l’Exil et la reconstruction du Temple.
La volonté de Dieu, c’est que nous vivions dans la lumière. Qu’est-ce qui nous en empêche ? Nous-mêmes. « Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière de peur que ses œuvres lui soient reprochées ». Le Salut, c’est la lumière, celui qui accepte la lumière est sauvé, celui qui refuse la lumière se condamne lui-même. Il n’y a pas besoin que Dieu juge … « celui qui ne veut pas croire est déjà jugé »
Il nous faut prendre au sérieux cette parole. Si Dieu est riche en miséricorde, cela ne veut pas dire que nous pouvons tout faire, cela veut dire que nous pouvons toujours venir à la lumière. Rien ne peut nous empêcher définitivement d’aller vers Dieu, mais pour cela il faut se tourner vers lui … et si nous luis tournons le dos, cela veut dire qu’il faut se retourner ! Ce temps de carême est un temps de conversion, c’est-à-dire un temps où nous apprenons à accueillir la lumière, un temps où nous acceptons de tendre la main vers Dieu. Dans le Christ, Dieu nous tend la main, non pas pour nous attraper de force, mais pour attendre que nous la prenions. Ce qui n’est pas possible si nous ne le regardons pas, ce qui n’est pas possible si nous voulons nous débrouiller tout seul, ce qui n’est pas possible si nous ne lui faisons pas confiance. Et parfois pour prendre la main tendue par Dieu, il faut abandonner ce qui nous encombre.
Au milieu du carême, acceptons que la lumière de Dieu resplendisse un peu plus dans notre vie. Identifions ce que nous préférons garder dans l’ombre et que nous devons abandonner. Renouvelons notre foi dans le Seigneur. Sans attendre et sans se lasser, serrons un peu plus notre vie dans la main de Dieu pour accueillir le Christ.
Que La Vierge Marie nous aide et nous accompagne dans cette démarche de conversion. Elle qui est la Vierge de Lumière, l’Etoile du Matin et la Mère de miséricorde, que sa prière fortifie notre foi, affermisse notre espérance et augmente notre charité pour que nos actes soient vraiment bons, conformes à la voie que Dieu a tracée pour nous et qu’ainsi nous le suivions pour régner avec lui dans les cieux, pour les siècles des siècles.