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Père Charles Mallard-Il est allé loger chez un pécheur

30 octobre 2022

Il est allé loger chez un pécheur

31° Dimanche du Temps Ordinaire – Année C

Sg 11,23-12,2 ; Ps 144 ; 2 Th 1,11-2,2 ; Lc 19,1-10

Si l’histoire de Zachée est bien connue et qu’elle nous réjouit, tant par le pittoresque du récit que par l’heureuse dynamique dont elle témoigne, il n’en allait pas de même pour les observateurs. Tous récriminaient : « Il est allé loger chez un homme qui est un pécheur ». A vrai dire, à part s’il restait chez sa mère, Jésus ne pouvait loger que chez quelqu’un qui est pécheur ! Sans doute la foule s’indignait-elle que le Seigneur aille chez un « grand pécheur » – ou pour éviter le paradoxe en parlant d’un homme de petite taille – chez un « pécheur notoire ». Alors, qu’est-ce qui scandalise les grognons ? Que Jésus ignore les turpitudes de son hôte ? Qu’il y soit indifférent ou pire qu’il en soit complice ? « Il est allé chez un pécheur » … si cette réflexion était d’abord un reproche, elle peut nous servir de guide pour méditer cet évangile.

Tout d’abord Jésus ne va pas chez n’importe quel pécheur. C’est un pécheur qui cherche à le voir et qui pour cela est capable de courir en avant et de grimper sur un sycomore. Il faut visualiser la scène. Zachée est riche, c’est un notable même s’il est méprisé, et le voilà perché sur un arbre avec tous les gamins du coin. Il y a quelque chose de ridicule dans sa situation. Imaginez un homme en costume cravate à califourchon sur une branche. En plus, vu sa taille et le mépris dans lequel il est tenu, on imagine qu’il y a dans la foule quelques réflexions ou quelques clins d’œil moqueurs. Jésus ne va pas chez un pécheur satisfait, mais chez un pécheur malheureux, ridicule et méprisé. Car il y a deux types de pécheurs. Les pécheurs endurcis, arrogants ou revendiqués, ceux qui se font une gloire de ce qui fait leur honte ; et puis il y a les pécheurs malheureux, ceux qui souffrent autant qu’ils font souffrir, ceux qui sont désolés de succomber encore et encore aux mêmes tentations qu’ils voudraient éviter. C’est peut-être pour nous faire comprendre la part involontaire du mal que l’évangéliste précise la petite taille de Zachée, alors que nulle part ailleurs dans l’évangile on n’évoque le physique des personnes. Jésus n’ignore pas qu’il va chez un pécheur, mais il a reconnu qu’il y avait en lui plus d’humiliation que d’orgueil, et c’est une porte ouverte à sa présence.

Ensuite lorsque Jésus s’adresse à Zachée, il y a quelque chose d’urgent et de nécessaire : « aujourd’hui, il faut … ». Au passage on remarquera que le Seigneur parle de demeurer dans sa maison et non pas simplement de loger – ou pour traduire plus exactement de s’arrêter chez lui. Il ne s’agit pas d’une envie, il ne s’agit pas d’une parenthèse. Il s’agit de quelque chose de plus profond, de plus important, comme un devoir lié à sa mission et qui ne souffre pas qu’on temporise. Évidemment, il n’y a aucune raison que Zachée ait prévu d’accueillir Jésus. La venue du Seigneur vient tout bouleverser : rien n’est prêt et l’on n’a pas le temps de ranger ou de faire des courses. L’histoire ne dit pas si Zachée a couru de nouveau en avant de Jésus ou s’il l’a accompagné jusqu’à sa maison, mais il est dit qu’il l’accueille avec joie. Cette joie de la surprise, cette joie de l’inattendu qui vient combler au-delà ce qu’on espère. Jésus n’est pas indifférent au péché, au contraire, il va chez un pécheur parce qu’il est pécheur et qu’il est urgent et nécessaire d’agir, il est urgent et nécessaire de bouleverser les choses.

Enfin la présence de Jésus a transformé le cœur de Zachée. Celui-ci, debout, comme un homme libre et décidé, s’offre à partager et à réparer le mal qu’il aurait pu faire. Si Jésus va loger chez un pécheur, ce n’est évidemment pas pour en être complice, mais pour qu’il se convertisse. Non pas avec de longs discours moralisateurs, mais dans la simplicité d’une présence généreuse et miséricordieuse qui rayonne sur les cœurs disponibles et disposés. Il va non seulement chercher mais aussi sauver ce qui était perdu, faisant apparaître la véritable dignité de celui qui l’accueille et qui se révèle capable de donner avec générosité plutôt que de prendre avec avidité.

Mais ne nous trompons pas. L’histoire de Zachée n’est pas une anecdote pittoresque, elle est d’abord une parole pour nous. Car dans la communion que nous allons recevoir tout à l’heure, une nouvelle fois Jésus va demeurer chez un pécheur, et ce pécheur ce sera nous. Serons-nous suffisamment humbles pour le reconnaître ? Suffisamment disponibles pour recevoir le Seigneur avec joie ? Suffisamment accueillants pour nous laisser transformer par sa présence ?

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Consolatrice des affligés qu’elle fortifie notre foi pour que nous acceptions d’avoir le cœur brisé par nos propres insuffisances. Refuge des pécheurs qu’elle soutienne notre espérance pour que nous répondions promptement à l’appel du Seigneur. Reine des Saints qu’elle élargisse notre charité pour que nous puissions rayonner de la présence que nous recevrons et demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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