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Père Charles Mallard-Le piège des sadducéens

6 novembre 2022

Le piège des sadducéens

32° Dimanche du Temps Ordinaire – Année C

2 M 7,1-2.9-14 ; Ps 16 (17) ; 2 Th 2,16-3,5 ; Lc 20, 27-38

Il y a quelque chose de diabolique dans la question des sadducéens. Peut-être n’est-ce pas de la mauvaise volonté et qu’ils ont inventé cette histoire pour discuter avec Jésus de la compatibilité de la résurrection avec la loi, comme ils l’auraient fait avec tout autre rabbin pharisien. Mais l’histoire repose sa question lancinante. Et comme Jésus répond en disant qu’à la résurrection on ne prend ni femme ni mari, certains époux se désolent à l’idée que leur couple puisse être séparé dans l’éternité ! Faut-il alors renoncer à déployer une spiritualité conjugale si le mariage n’est qu’une affaire temporelle ?

Le problème c’est qu’on se laisse piéger par une histoire imaginée, par une fausse problématique et par une conception très différente des choses qui n’a rien à voir avec notre foi et notre vision du monde ! Pour s’en persuader, essayons de nous mettre dans l’esprit des sadducéens et posons-nous quelques questions. D’abord pourquoi sept frères ? la question ne se pose-t-elle pas dès le deuxième ? Ensuite, puisqu’ils admettaient la répudiation, la question ne se pose-t-elle pas sans qu’il soit nécessaire d’inventer cette histoire sordide ? Enfin, où est le problème puisque la Bible dit que Salomon avait 700 femmes et 300 concubines … la question n’est-elle pas encore plus spectaculaire pour lui ? Et c’est là qu’on mesure qu’on est dans une autre conception du monde : le problème c’est donc que c’est une femme ! D’ailleurs, ils ne demandent pas « qui sera son mari » mais « de qui sera-t-elle l’épouse ». Certains répondront, que d’accord, mais pour des époux chrétiens ? Et bien il n’échappera à personne que les veuves chrétiennes ne sont pas obligées d’épouser le frère de leur mari pour lui donner une descendance !

Alors, on peut se demander pourquoi l’Esprit-Saint a inspiré à saint Luc de garder cet épisode de la vie de Jésus dans son évangile, si ça ne sert qu’à nous embrouiller les idées. D’abord, c’est un témoignage de la fidélité de l’évangéliste qui ne cache pas ce que Jésus a vécu. Et puis surtout, ici, l’enseignement de Jésus porte sur Dieu et la résurrection et non pas sur le mariage. Si l’on veut réfléchir au mariage chrétien, c’est à d’autres moments de la vie du Seigneur qu’il faut s’intéresser.

Ainsi la première leçon que nous devons retenir, c’est qu’on ne doit pas imaginer la vie éternelle à partir de notre vie présente. Or c’est un piège dans lequel nous tombons régulièrement. La vie éternelle n’est pas le prolongement de notre vie terrestre, elle en est plutôt l’accomplissement. Pour prendre une image, si notre vie est une fleur, la vie éternelle n’est pas cette fleur qu’on aurait séchée pour la garder toujours, mais elle est comme le fruit de la plante : ce n’est pas qu’elle n’ait rien à voir, mais elle est complétement différente. En fait ce n’est pas la vie terrestre qui sert de modèle à la vie éternelle, c’est la vie éternelle qui éclaire la vie terrestre et en donne le sens.

Pour cela, nous pouvons nous souvenir des sept autres frères dont parlait la première lecture. Eux sont bien réels et ils donnent l’exemple de ce que la résurrection change pour la vie terrestre. D’abord ils témoignent de la fidélité qui n’est pas l’attachement au passé mais l’appel de l’éternité. Ils nous invitent à considérer ce à quoi nous tenons pour que nous accordions plus d’importance à ce qui dure qu’à ce qui passe. Et dans le cas du mariage chrétien, c’est l’amour plus que le plaisir qui fonde la fidélité. Ensuite ils témoignent aussi de la force que donne l’espérance dans les épreuves. Cette grandeur d’âme qui impressionne le roi s’appuie sur la résurrection qui est comme une lumière qui brille dans les ténèbres. Mais quand on est dans un tunnel, pour apercevoir la lumière du jour, il faut lever la tête et non pas garder les yeux fixés sur le sol. Enfin les sept frères du livre des Martyrs témoignent aussi de la puissance de liberté que donne la résurrection. Seul celui qui tient par le ciel peut s’affranchir des remous de la terre. Dans un monde agité, il n’y a guère que la résurrection qui puisse nous donner cette liberté qui permet de garder la paix du cœur.

Alors ne nous laissons pas piéger par l’histoire des sadducéens mais, comme le recommandait saint Paul au Thessaloniciens, tenons fermes à la parole du Seigneur qui poursuit sa course, confiant que le Seigneur Jésus, et Dieu lui-même, nous a donné pour toujours réconfort et bonne espérance par sa grâce. N’imaginons pas la vie éternelle à partir de la vie terrestre, mais laissons la résurrection éclairer notre fidélité, nous soutenir dans les épreuves et élargir notre liberté.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Vierge fidèle qu’elle affermisse notre foi pour que nous nous attachions à ce qui demeure. Consolatrice des affligés qu’elle fortifie notre espérance pour que nous puissions triompher des épreuves. Mère du Bel Amour qu’elle encourage notre charité pour que nous puissions suivre le Christ jusque dans la lumière de la Pâques et resplendir de la Gloire des enfants de Dieu dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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